Non, mais vous êtes masos, ou quoi !?
C’est ainsi que nous interpelle un groupe de promeneurs en tenue d’hiver.
Nous les masos sommes en costume de bain, prêts à entrer dans l’eau pure et glacée du lac de Joux. La lumière est belle en cet après-midi de novembre.
On y va !
Nous avançons lentement en respirant profondément, car il faut éviter le halètement dans une eau à 7 degrés, le regard dirigé vers la rive opposée. Les jambes ressentent, paradoxalement, comme une sensation de brûlure. Une fois la taille immergée nous nous abaissons jusqu’au cou en laissant la tête hors de l’eau. Des chaussures et des gants isothermes sont appréciés, voire indispensables lorsque l’eau avoisine le zéro degré.
Nous allons toujours en groupe, pour la sécurité et la motivation. Après moins d’une minute la sensation de douleur a disparu et laissé place à une sorte de bien-être et de sérénité. A ce stade il faut respecter la durée du bain, soit une minute par degré, donc 7 minute dans une eau à 7 degrés. Vouloir prolonger la durée parce que l’on se sent euphorique et serein risque de provoquer une hypothermie dangereuse. Si la température du corps descend en dessous de 31 degrés, l’inconscience, voire le décès, sont à craindre.
Nous esquissons quelques mouvements de brasse, mais sans nager à proprement parler. Parfois même, lorsque l’eau est proche de zéro degré, il nous arrive de chanter comme sur le Titanic « plus près de toi mon Dieu, plus près de toi… ». Je parle au nom de notre groupe, mais il y a d’autres nageurs plus expérimentés qui peuvent dépasser nos limites. La sortie du bain nous laisse dans un état euphorique sans ressentir le froid ; la sensation de froid ne vient que plus tard.
Comment ça marche ?
Les humains modernes, dans leur majorité et dans nos conditions actuelles, vivent dans un confort inédit ; notre corps et notre cerveau en particulier ont gardé les réflexes de protection de nos lointains ancêtres ; le stress faisait alors partie de la vie courante pour se défendre, fuir et s’adapter face aux multiples dangers : la chasse, les prédateurs et les intempéries. L’eau froide déclenche un stress dont le confort nous prive ; il ne faut pas confondre le stress psychologique provoqué par les contrariétés, la pression et les reproches subis au travail avec le stress lié à la chaleur, au froid ou à un effort physique intense. Le stress est donc bénéfique pour notre équilibre mais ne doit pas dépasser un certain niveau au-delà duquel il devient dangereux pour l’organisme. L’eau froide est perçue comme une agression par le cerveau qui réagit par l’envoi d’hormone diverses, dont l’adrénaline et les endorphines. Quand le cerveau a compris qu’il n’y avait pas de danger immédiat, il envoie des neurotransmetteurs qui inhibent les douleurs et provoquent cette sensation de bien-être et de sérénité.
Les bienfaits
Ceux qui pratiquent régulièrement ces bains en eau froide affirment qu’ils ne souffrent plus de grippe, de rhume ni d’autres tracasseries hivernales, qu’ils ont plus d’énergie positive et moins, ou pas de pensées dépressives. Des études scientifiques parlent de réactivation des ressources profondes du cerveau, de régulation du métabolisme au niveau des graisses et de l’action de l’insuline. L’eau froide pourrait aussi agir sur les traumatismes, sans les faire disparaitre mais en permettant de mieux les gérer. La sécrétion d’hormones tranquillisantes permet d’abaisser le niveau du stress et ainsi de mieux maîtriser les troubles psychiques en favorisant la sérénité.
Les précautions
Un avis médical doit être demandé en cas de problèmes cardiaques, respiratoires ou autres. Lorsque je demandai à mon vieux professeur de pharmacologie s’il pensait que les bains en froide étaient bon pour la santé, il me répondit « je saurais que vous dire, mais ce qui est certain c’est que ceux qui résistent à ce traitement inhumain sont en parfaite santé ! «
Alors amis lecteurs, venez nous rejoindre ; l’équipement est bon marché et l’eau moins accaparée par les baigneurs frileux.
Rédigé par Patrice Francfort, notre invité du BLOG.
Docteur en médecine vétérinaire à la retraite, après des années de pratique en campagne et divers mandats officiels en rapport avec la protection des animaux, Patrice Francfort s’est toujours intéressé au comportement des animaux, des chiens en particulier. Il a écrit plusieurs articles dans le journal de sa région, concernant notamment l’impact de notre mode vie sur l’avenir de notre planète.