Des poissons pas si sauvages que ça…

Coquilles Saint-Jacques, saumon, thon rouge, cabillaud: il y a fort à parier que vous allez retrouver l’un de ces aliments dans votre menu de Noël. Alors, ne regardez surtout pas le récent reportage de France 5 sur leur origine!

Il y a des reportages comme ça, dont on ne saurait dire si on est content ou malheureux de les avoir vus… Ainsi la récente investigation de «Sur le front», signée Hugo Clément sur France 5: «Quels poissons acheter pour ne pas vider les océans?», à visionner ici (gratuitement mais avec inscription obligatoire).

On y apprend, notamment, que dans le monde de la mer, l’adjectif «sauvage» ne veut plus rien dire. Des coquilles Saint-Jacques sauvages de Bretagne? Elles sont issues de millions de bébés coquilles élevés en aquaculture puis dispersés et repêchés plus tard dans les endroits adéquats de l’océan. Des saumons sauvages de l’Alaska? Idem: les alevins sont créés, cette fois par dizaines de millions, dans des centres spécialisés, puis transférés dans l’eau et repêchés lorsqu’ils ont atteint la taille adéquate. Des thons rouges sauvages? Même refrain, même technique… Dites, on va manger quoi à Noël?

Élevage très discutable

Facile, direz-vous: il suffit de se rabattre sur le poisson d’élevage. Non seulement il n’y a pas tromperie sur l’étiquette, mais ainsi, on évite de vider l’océan de sa réserve naturelle et… «sauvage». Sauf que la plupart des poissons d’élevage sont nourris avec de la farine de poisson pêchée en mer, et qu’il en faut trois kilos pour obtenir un poisson d’un kilo… Pas besoin d’être doué en maths pour repérer le problème. Sans parler du fait que, souvent, les poissons dont on va faire de la farine sont pêchés à des milliers de kilomètres des points d’élevage et qu’il faut donc la transporter sur la même distance!

Maintenant, faites abstraction de tout ça, jouez à l’autruche et essayez de vous convaincre que ce sont vraiment des poissons sauvages qui sont pêchés. Comment le sont-ils? Dans des immenses nacelles (jusqu’à 600 mètres de long), traînées par des énormes chalutiers qui vont en rejeter un petit tiers (mort, évidemment) parce que leur espèce ne correspond pas à celles qu’ils cherchent. Et pour être sûr de faire mouche, si on ose ici l’expression, ils utilisent des filets avec des mailles de plus en plus petites et capturent ainsi des poissons de plus en plus jeunes, brisant ainsi la chaîne de la reproduction optimale.

Lire les étiquettes

J’y reviens: avec tout ça, on va manger quoi à Noël? Du poisson quand même, mais en regardant bien les étiquettes. Quand c’est marqué «sauvages», vous êtes prévenus: c’était vrai au moment de la pêche, pas nécessairement à la naissance. Et pour éviter la surpêche, faites attention à la technique utilisée, obligatoirement mentionnée sur l’emballage depuis 2014, du moins en Europe (rappel toutefois: la Suisse ne fait pas partie de l’Europe, même si l’information est souvent donnée en toutes petites lettres, de préférence derrière l’emballage):

  • «chalut»: on vient de le voir, mieux vaut éviter, car il ramasse et abîme tout;
  • «filet maillant»: plus sélectif, il endommage moins les poissons;
  • «ligne et hameçon»: en l‘état, il n’y a guère mieux;
  • «casier ou piège»:, le must pour les crevettes ou les langoustines.

Différence de prix minime

Seule bonne nouvelle dans le tas: un bar, vendu, lors du reportage, 32 euros sur un marché lorsqu’il vient d’un chalutier, revient au même étalage à 35 euros lorsqu’il a été pêché à la ligne, donc pas beaucoup plus.

Enfin, pour autant qu’on soit prêt à apprivoiser de nouveaux goûts, des poissons «herbivores» comme les carpes, les gardons ou les silures ont l’avantage, en cas d’élevage, de ne pas avoir besoin de farine de poisson. Et comme personne, ou peu de monde, en veut actuellement, leur espèce n’est pas en danger.

Bon, sur ce, moi, je vous laisse, j’ai un gravlax de gardon à la betterave à préparer pour l’apéritif de la Saint Sylvestre!


Rédigé par Christian Chevrolet

Ancien journaliste (Gazette de Lausanne, 24 Heures, Bon à Savoir, Tout compte Fait…) et auteur de plusieurs ouvrages scientifiques ou économiques, j’ai décidé de reprendre ponctuellement la plume (enfin le clavier de mon ordinateur…) pour partager quelques réflexions ou mes coups de cœurs sur Info Seniors Vaud.

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