Une étude récente souligne un constat déjà ressenti par beaucoup : Le voyage a des effets bénéfiques sur la santé physique et mentale. Il ralentit le processus de vieillissement; il influence favorablement les facultés cognitives, la sociabilité et le bien-être. Les interactions avec des milieux inconnus, des cultures différentes, des personnes ayant un autre mode de vie, cultivent chez les visiteurs une curiosité et un certain sens de l’aventure. Lors de périples en groupe, les expériences positives, les échanges entre les participants, pour ne pas dire le partage de points communs, nourrissent l’âme, brisent la crainte de la solitude, et stimulent le moral.
C’est ce qu’ont compris depuis plusieurs décennies des membres de l’UREV (« Union des Retraités de l’Etat de Vaud »). Chaque année, ou presque, ils partent à la découverte de nouveaux horizons : Les dernières éditions les ont, entre autres, menés dans le nord de l’Allemagne, en diverses régions de la France, en Ecosse et cette année en Albanie. Loin de se limiter à des séjours consistant, par exemple, à s’occuper de sa santé dans une station balnéaire, les voyageurs ont choisi de se comporter en explorateurs passionnés : boulimiques de culture, de sites, de villes, de châteaux, mais aussi découvreurs des plaisirs de la table.
La culture de l’amitié occupe une place essentielle. Petit nouveau et benjamin « ex aequo » tout comme une dame, également nouvelle inscrite, j’ai pu observer que la sociabilité, entre cette vingtaine de personnes, qui se connaissent souvent depuis longtemps, est essentielle. L’échelle des âges était large puisque l’aîné, qui a suivi le programme, est né en 1934 !
Pourquoi l’Albanie ?
Au terme de chacun des voyages, les participants débattent de la prochaine édition. Pour 2024, c’est l’Albanie qui avait été retenue. Ce choix révèle déjà un opportun sens de la déconnexion des représentations traditionnelles des destinations touristiques possibles. Qui ne verrait pas plutôt, dans l’Albanie, un pays traumatisé par une des pires dictatures communistes, laquelle a enfermé le pays pendant plus de 45 ans ? Qui ne songerait pas aux problèmes d’une nation en difficultés économiques devant laisser beaucoup des siens chercher du travail à l’étranger ? Et pourtant…
Pays de soleil faisant forcément songer à l’Italie du Sud ou à la Grèce, la contrée offre un potentiel touristique et culturel absolument remarquables. C’est un condensé admirable de cultures et d’époques : L’Antiquité est présente avec les ruines romaines à Durrës (son amphithéâtre), cité antique de Butrint, le Moyen-Age avec des monastères byzantins (Ardenica, Mesopotam, Apollonia) ou des châteaux (Rozafa à Shkodër). Les périodes plus récentes sont représentées par des cités comme Berat, dont l’urbanisme a été classé par l’Unesco. Dans ce pays de tolérance, églises catholiques et orthodoxes, tout comme les nombreuses mosquées (reflet de l’influence turque), ouvrent leurs portes à tous.
La période communiste a laissé des traces visibles dans le paysage comme dans les mentalités. Tirana, la capitale, possède son musée de la dictature, aménagé dans un ancien abri anti-atomique; les campagnes sont parsemées de petits bunkers que la dictature avait fait aménager pour se défendre de toute attaque extérieure et intérieure. Certains hôtels ont gardé un clinquant (il fallait savoir « perdre de la place » pour impressionner) emblématique du communisme. Parfois encore les mentalités ne se sont pas toujours défaites de certains comportements peu compatibles avec une bonne qualité du service dans les prestations fournies. Il est aussi évident que la formation des jeunes, en tous les cas dans les métiers du tourisme, reste à améliorer, pour ne pas dire à mettre en place.
Mais, dans les nouvelles générations surtout, apparaît une énergie, une volonté de réussir. Beaucoup travaillent à créer leurs entreprises, et le béton commence à prendre de la place. Trop peut-on craindre. Alors qu’un exode rural amène beaucoup de gens à Tirana, un plan de transports publics digne de ce nom reste à créer : rouler dans les grandes villes embouteillées, dans lesquelles les règles de la circulation ne sont, pour le moins, pas toujours suivies, tient du cauchemar.
Mais cette transition du « Pays des Aigles », d’un passé composite et parfois compliqué vers la modernité, est un élément supplémentaire apte à fasciner et à ouvrir le débat, ce que n’ont pas manqué de faire les globe-trotters vaudois, unanimement enrichis et ravis de leur séjour.
L’auteur de cet article est l’invité du BLOG du mois d’octobre.
Pierre Jaquet a enseigné la littérature française et l’histoire dans les Gymnases de Burier (La Tour-de-Peilz) et Nyon. Il donne actuellement des cours d’histoire à l’Université Populaire de Lausanne. En parallèle, il exerce une activité régulière de journaliste culturel, essentiellement dans le domaine de la musique classique. Attachant une grande importance aux contacts humains, il est toujours heureux de pouvoir partager ses passions avec autrui. Lorsqu’il s’adresse à son public il vise la réflexion et l’échange.
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