Bien plus qu’un simple loisir !
Partager des contes inédits en famille, par exemple avec vos petits-enfants, ou avec des amis, c’est vivre une explosion de créativité et de complicité apte à éveiller les esprits. Alors, êtes-vous prêts à plonger dans cette expérience inoubliable ? Cela vous permettra de :
1. Renforcer les liens sociaux
Ecouter ou raconter un conte crée des moments de complicité, y compris entre générations. C’est l’occasion de partager des rires, des émotions, et finalement de mieux se connaître les uns les autres.
2. Stimuler la créativité
Les contes sont souvent peuplés de personnages excentriques et de situations cocasses. En écoutant ou en racontant ces histoires, chacun laisse libre cours à son imagination. Cela développe la pensée créative des enfants; pour les adultes, c’est un rappel de l’importance de cultiver un esprit ouvert et curieux. Et les épisodes permettent à chacun de s’évader du quotidien, de rêver et de se divertir.
3. Transmettre des valeurs sous forme ludique
Derrière l’apparente simplicité des récits se cachent des messages essentiels : le courage face à l’adversité, l’importance de l’honnêteté, la nécessité de la solidarité…
Réciter, ce n’est aucunement un retour aux vieilles traditions : C’est une manière moderne et vivante de se connecter, d’apprendre et de s’évader ensemble.
4. Le fabliau, une source d’inspiration pour vous aider à créer un conte
Un type de texte datant du Moyen-Age peut vous y aider, le fabliau. Rappelons sa définition : Forme poétique médiévale, c’est un texte, bref, dans sa forme originale, généralement écrit en octosyllabes. Il raconte une histoire amusante, parfois fort triviale, et met en scène des personnages à l’opposé de la littérature courtoise, noble.
5. Concrètement ?
Les choses s’organisent ainsi :
La structure narrative est simple, facile à concevoir. En quelques pages, le fabliau installe un conflit, le développe, et livre une chute, souvent surprenante. Cette rapidité dans le récit permet d’imaginer un conte dynamique, sans ennuyer le lecteur, ou l’auditeur, en étant trop long.
Avec son ton humoristique et satirique, le fabliau est comique : les personnages sont caricaturaux et les situations rocambolesques. Loin d’être moralisateur, le genre se permet, à l’époque, de critiquer la société, l’Eglise ou la noblesse, souvent en usant de l’ironie ou de la parodie.
Les personnages typiques du fabliau sont un filon à exploiter. Souvent issus des classes populaires, ils incarnent des archétypes comme le paysan peu réveillé ou le moine débauché; aujourd’hui on se moque de la mère surprotectrice, de la « fashionista », du banquier affairiste, du professeur distrait, de l’avocat manipulateur, du policier maladroit…
Les fabliaux abordent des thèmes universels : l’infidélité, la tromperie, la cupidité ou l’injustice. Ce mélange de critique sociale et de comédie questionne les valeurs et comportements de la société, tout en riant.
Enfin, les fabliaux jouent sur un équilibre entre réalisme et merveilleux. Même quand ils s’ancrent dans la réalité quotidienne, ils n’hésitent pas à introduire des éléments fantastiques ou peu réalistes. Cela permet d’évoluer librement entre raison et imaginaire, sans contrainte, pour se faire plaisir, en somme.
6. Comment vous y mettre ?
• Le début du fabliau présente la situation initiale et l’élément perturbateur. A vous d’inventer les étapes suivantes du schéma narratif.
Votre récit comportera :
– au moins un dialogue transcrit par des paroles rapportées directement;
– au moins un dialogue transcrit par des paroles rapportées indirectement.
Votre fabliau se terminera par une moralité.
• Vous pouvez rester au Moyen-Age (la femme infidèle et rusée, le curé profiteur glouton, le chevalier violent et stupide, le paysan qui ne comprend rien) ou actualiser le propos (voir les exemples données ci-dessus).
• Si vous allez chercher de l’inspiration du côté de l’intelligence artificielle, ne vous contentez pas de reprendre sans autres les propositions de textes. Cela « tuera » le charme de l’exercice et vous privera d’éléments personnels, aptes à plaire tout particulièrement à votre auditoire. Adaptez, reformulez, transformez, actualisez, ce qu’on vous propose. Faites-en quelque chose qui vous ressemble, fait pour votre public !
Voici quelques proverbes utilisés au Moyen-Age, qui peuvent vous inspirer pour la moralité, et donc vous donner un point de départ !
1. A bon chat, bon rat
Se dit de ceux qui luttent à forces égales
2. A bon vin pas d’enseigne
Ce qui est bon se fait assez connaître par ses qualités sans avoir besoin d’être vanté
3. A force de forger on devient forgeron
A force d’exercices on fait les choses mieux et plus facilement
4. A l’impossible nul n’est tenu
Il est hors de doute que personne ne peut être tenu de faire ce qui dépasse son intelligence ou sa force physique
5. Au royaume des aveugles les borgnes sont rois
Entouré de personnes ignorantes ou stupides, un individu doué d’un maigre savoir ou d’une maigre intelligence fait figure de génie
6. Avoir du foin dans ses bottes
Être riche
7. Avoir la tête près du bonnet
C’est avoir la tête chaude, et être porté à la colère
8. Avoir perdu ses gants
Locution employée en parlant d’une demoiselle qui a eu quelque aventure préjudiciable à son honneur
9. C’est la danse des dindons
Chose qu’on a l’air de faire de bonne grâce, quoique ce soit à contrecœur
10. Copains comme cochons
Se dit, soit de gens qui font en commun des parties de plaisirs ou autres, et qu’on voit toujours ensemble
11. Emporter le chat
C’est s’en aller sans payer ou sans prendre congé
12. Ferrer la mule
C’est tromper sur le prix des marchandises qu’on achète pour le compte d’un autre et les lui faire payer beaucoup plus cher qu’elles n’ont été vendues
13. Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué
Ne pas se flatter trop tôt d’un succès incertain, ni disposer d’une chose avant de la posséder
14. L’habit ne fait pas le moine
Il ne faut pas s’en rapporter aux apparences extérieures pour juger une personne
15. Où la chèvre est attachée, il faut qu’elle broute
Il faut se résigner à rester dans la position où le sort vous a placé
16. Porter des cornes
Etre trompé par sa femme ou son mari
17. Quand le chat n’y est pas les souris dansent
En l’absence du maître, ceux qu’il gouverne en profitent pour faire ce que bon leur semble
18. Rompre la paille avec quelqu’un
C’est déclarer à une personne que l’on n’est plus son ami
19. Tout vient à point à qui sait attendre
Il faut attendre en toute chose avant de vouloir recueillir des résultats
20. Tuer la poule pour avoir l’oeuf
Se priver de ressources à venir pour un petit intérêt présent
7. Vous avez encore besoin d’exemples ?
• Un texte médiéval : Brunain la vache au prêtre :
• 4 textes du Moyen-Age (version audio)
https://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/anonyme-fabliaux-du-moyen-age.html
• Des textes d’élèves, par et pour les jeunes :
https://des-douits-falaise.college.ac-normandie.fr/IMG/pdf/compilation_fabliaux.pdf
• Et pour finir deux propositions de textes se rapportant à notre époque :
Le professeur distrait et la« fashionista »
Il était une fois, dans un gymnase vaudois, un professeur de mathématiques nommé Bernard Pasche, connu pour sa grande érudition… et sa tête dans les nuages. Quand il se rendait à l’école, sa tête était toujours remplie d’équations. C’était un célibataire invétéré, qui n’avais pas de hobbies.
Dans une de ses classes, il y avait une élève prénommée Sandra. La demoiselle n’était pas du genre à se laisser distraire par les maths. Non, son royaume à elle était celui de la mode. Toujours apparemment vêtue des dernières créations des couturiers, avec des bijoux les plus extravagants les uns que les autres, des robes à volants, un tatouage sur l’avant-bras, des ongles roses démesurés, des pantalons pailletés et des talons hauts si pointus qu’ils auraient pu crever un ballon à trois mètres de distance, Sandra était la véritable reine de la mode de l’école.
Un jour, lors d’un cours de géométrie (matière que la plupart des élèves trouvaient fort ennuyeuse), et dans lequel il était question de l’Egypte, Bernard Pasche n’arrivait pas à dessiner comme il l’aurait voulu la forme des pyramides (il avait oublié ses lunettes chez lui). Sandra, la fashionista, leva alors la main.
— M’sieu, dit-elle en baillant, je crois que vous avez oublié quelque chose dans votre tenue…
Le professeur, tout en ajustant sa cravate (c’était en réalité un bout de ficelle, car il avait oublié son noeud pap’ à la maison), lui répondit distraitement :
— Ah oui, peut-être crocher un bouton de ma veste ?
Sandra secoua la tête, ajustant d’une main son abondante et longue crinière, ses nouvelles boucles d’oreilles, au large diamètre, scintillant sous les rayons du soleil qui perçaient de la fenêtre.
— Non, M’sieu, c’est plus grave ! Je vous trouve un peu… comment dire… démodé. Votre cravate n’est même pas assortie à vos chaussures !
Interloqué, le professeur, qui n’avait absolument aucune idée de ce dont elle parlait, se gratta la tête.
— Ah ! Vous avez raison, vous avez raison ! Il s’éclaircit la voix et continua, tout en écrivant sur le tableau sans prêter attention à ses élèves. Cela me fait penser à un problème intéressant en géométrie, en effet… Quand une cravate rencontre des chaussures, quelle forme géométrique peut en résulter ?…
Sandra lui répondit.
— Non, non, non ! C’est une question de style, pas de géométrie. Regardez-moi ! Je suis à la pointe de la mode et vous… Vous, vous portez une chemise qui n’a même pas de boutons assortis ! C’est comme si vous étiez resté coincé dans les années 80 !
Le prof, un peu embarrassé, rougit brièvement.
— Les années 80 ? Ah bon… Mais, Sandra, je vous assure que je me sens tout à fait moderne ! Il se redressa fièrement et se mit à agiter son bras pour faire bouger sa cravate, ce qui créa un effet assez comique, puisque celle-ci n’avait pas la longueur suffisante pour effectuer ce mouvement.
Sandra, voyant qu’il ne comprenait décidément rien à la mode, décida d’agir. Elle sortit de son sac une petite boîte à bijoux, qu’elle ouvrit délicatement.
— Voilà ce que vous devez porter, M’sieu, dit-elle en sortant une montre étincelante, apparemment en or, mais évidemment fausse, du plus pur toc en somme. C’est un accessoire indispensable pour un professeur distingué. Vous verrez, vous serez tout de suite plus… à la page !
Le professeur, hésitant, après avoir longuement cligné des yeux et en grimaçant pour observer ce cadeau – il finit par voir que l’aguille des secondes ne bougeait pas – et avoir visiblement constaté le peu de valeur de l’objet, prit néanmoins la montre d’un air fort sérieux. Il la plaça sur son poignet, sans doute pour faire plaisir à la jeune fille, mais aussi visiblement un peu touché par le cadeau. Il suffisait de constater que ses joues avaient rosi légèrement.
— Merci, Sandra. Mais dites-moi… cela peut-il aussi résoudre les problèmes de calculs ?
Sandra se pinça les lèvres, cherchant la réponse. Puis elle haussa les épaules avec un sourire éclatant.
— Bien sûr ! La mode est une science, M’sieur. Vous comprendrez vite que l’élégance, c’est avant tout une question de perspective. Quand vous serez élégant, les élèves vous écouteront mieux. Vous verrez, les calculs viendront tout seuls.
Le professeur, tout heureux de se sentir « à la mode », reprit sa leçon d’un air plus confiant. Mais il avait complètement oublié ce qu’il était en train d’expliquer. Ce fut donc un mélange étrange de géométrie, de mode, et de confusions diverses qui régnèrent ce jour-là dans la classe.
Quant à Sandra, elle replongea immédiatement dans ses affaires de mode, jetant des coups d’oeils discrets, mais très fréquents, à son téléphone portable, ses bracelets faisant un effet de percussion sur sa table. De temps à autre, elle jetait un regard amusé à son prof de maths, qui, malgré ses efforts, restait l’enseignant le plus distrait (et aussi un peu moins mal habillé, grâce à elle, c’était son opinion) de toute l’école.
Et ainsi se passa la leçon, dans un joyeux mélange de science et de style… où ni l’un ni l’autre ne savaient vraiment ce qu’ils enseignaient, mais où tout le monde repartait plus heureux qu’à son arrivée.
Morale de l’histoire : Parfois, l’élégance n’est pas seulement dans l’apparence, mais aussi dans la manière de se distraire avec style.
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Le fils conducteur, sa mère et le gendarme distrait
Il était une fois un jeune homme du nom de Kevin, pas toujours très futé. A 30 ans passés, Kevin venait tout juste de recevoir son permis de conduire, et, comme tout nouveau conducteur, il était empli de cette fierté folle de pouvoir désormais mener sa voiture partout où bon lui semblait.
Un jour, il décida de faire un petit tour de campagne, pour tester sa nouvelle liberté. Il voulait aussi épater maman, assise à côté de lui, car elle ne voulait quand même pas laisser circuler « son gamin » sans un minimum de surveillance. Mais voilà, à peine avait-il quitté son village qu’il se laissa emporter par l’euphorie de sa première vraie conduite. Il appuya un peu trop sur l’accélérateur et fila à toute allure, sans se rendre compte qu’il dépassait largement la limite de vitesse.
Malheureusement pour lui, le gendarme, appointé Emil Sturtzenegger, un brave Bernois établi en Suisse romande depuis plus de 20 ans, était posté là depuis tôt le matin. Son déjeuner avait été interrompu par une mouche qui s’était glissée dans son pot de confiture. Il était de mauvais poil.
C’est alors qu’il aperçut Kevin, le jeune conducteur à toute allure. Il sortit son radar, et « bip » !
— Ach ! Foilà un excès de fitesse !
Mais, comme il avait oublié ses lunettes, il ne put noter précisément le chiffre.
Kevin, tout à fait inconscient de son excès de vitesse, arriva à la hauteur de Sturtzenegger, qui se tenait déjà dans le bas-côté et lui faisait signe de s’arrêter. Il baissa sa vitre.
— Hé, cheune homme ! cria Sturtzenegger, fous avez tépassé la fitesse autorisée !
Kevin, un peu paniqué, ne savait pas quoi répondre. Mais assise à sa droit, sa mère, la redoutable Odile Dupuy, voyant son fils en difficulté, réagit comme une lionne sur son petit, prête à défendre son honneur coûte que coûte.
— Qu’est-ce qu’il se passe ? Il a fait un excès de vitesse, je suppose ?! Quel sale gamin ! s’écria la maman, comme si elle venait de découvrir que son fils avait mis de la moutarde dans son chocolat chaud. Il a dépassé la limite de vitesse de combien, monsieur l’agent ? Donnez-moi le chiffre exact : 5 k/h, 8 km/h, 10 k/h, 12 km/h, 15 km/h, 20 k/h ? Je vais lui frotter les oreilles !
Sturtzenegger, scruta l’écran de son appareil comme s’il cherchait à déchiffrer une équation du troisième degré, mais les données avaient disparu de son écran. Après un silence gêné, il répondit :
— Euh… Che pense… il était clairement au-dessus de la limite, d’un certain montant, mais che… che n’ai pas eu le temps de férifier exactement… et che n’avais pas mis mes lunettes.
Odile se tourna brusquement vers son fils, les mains sur les hanches.
— Tu vois, Kevin ? Toujours à vouloir presser la pédale ! Mais tu n’as aucune notion de sécurité routière ! Quelle imprudence ! Je t’avais dit de ne pas prendre la voiture aujourd’hui !
Kevin, tout honteux, murmura :
— Maman, je… je n’ai pas…
— Tais-toi, tu n’as pas à te justifier, mon petit chéri. C’est à ce monsieur ici présent de nous expliquer tout ça en détail !
Pressé de questions, il se sentait de plus en plus désorienté.
— Euh… Alors, fotre fils… Il a tépassé la limite de fitesse, je suis sûr, mais en fait…che crois que ce n’était pas tant un excès que, tisons… un certain… écart ? Vouais.
Odile, les yeux luisants d’un éclat maternel furieux, s’approcha du gendarme et lui posa une question de la plus grande importance :
— Monsieur l’agent, j’exige un constat immédiat ! Est-ce que la vitesse de mon fils a mis en danger, ou pas, la sécurité des piétons ou des autres automobilistes ? Parce qu’il me semble qu’il roulait à une vitesse acceptable, non ?
Sturtzenegger, qui n’avait dans le fond aucune idée de la vitesse exacte de Kevin, répondit :
— Euh… Che dirais… non, pas fraiment ?
Odile, satisfaite de cette réponse, tourna alors son regard vers Kevin, un sourire victorieux sur les lèvres. Elle regarda ensuite vers le gendarme, qui semblait toujours aussi paumé.
— Alors, Monsieur l’agent, je crois que vous n’avez rien à reprocher à mon fils. Nous allons vous laisser continuer votre contrôle… et je vous suggère de ne pas oublier vos lunettes avant de vous en prendre aux braves gens comme nous, hein ?
Le gendarme, tout embrouillé, acquiesça vaguement. Il n’était plus sûr de rien. La mère attrapa le bras de son fils et lui ordonna de redémarrer immédiatement.
— Kevin, on file ! Et la prochaine fois, si tu fais un excès de vitesse fais-le avec un gendarme mal réveillé !
Et ils partirent ainsi avec un certain air de victoire. Quant à Sturtzenegger, il resta là, à fixer l’horizon, se demandant si l’excès de vitesse était une affaire de chiffres… ou d’opinion.
Morale de l’histoire : Parfois, il ne suffit pas de respecter les règles de la route, mais aussi de bien savoir avec qui on parle… et à quel point les distractions peuvent rendre la justice un peu confuse !
Textes très librement repris, et très largement retravaillés, à partir de propositions de l’intelligence artificielle.
A vous de jouer ! Vous n’avez plus d’excuse pour ne pas vous y mettre !
Pierre Jaquet, l’auteur de cet article, a enseigné la littérature française et l’histoire dans les Gymnases de Burier (La Tour-de-Peilz) et Nyon. Il donne actuellement des cours d’histoire à l’Université Populaire de Lausanne. En parallèle, il exerce une activité régulière de journaliste culturel, essentiellement dans le domaine de la musique classique. Attachant une grande importance aux contacts humains, il est toujours heureux de pouvoir partager ses passions avec autrui. Lorsqu’il s’adresse à son public il vise la réflexion et l’échange.