En ce qui me concerne, j’ai été poussé sans le moindre ménagement vers une retraite anticipée à l’âge de 58 ans. J’ai donc dû improviser, m’adapter et inventer une nouvelle vie. Cela a été l’occasion de m’initier, en autres, à la méditation. Beaucoup d’autres activités ont été des variations sur un thème que je connaissais: offrir mes compétences professionnelles pour accompagner des projets et accepter des mini missions (avec des contrats à durée déterminée de 3 semaines à … 48 heures).
Chemin faisant, j’ai trouvé un rythme de travail qui me convenait : plongée à fond dans une activité, suivi d’une période de repos propice à l’introspection et aux loisirs. Un jour, un jeune collègue fasciné par mon organisation m’a dit : « Ce n’est pas juste ! C’est quand on est jeune qu’on devrait pouvoir travailler et voyager comme tu le fais. Et laisser le travail en continu aux personnes âgées ». J’ai souri, heureux de cette connivence intergénérationnelle. Une année plus tard, j’ai signé un nouveau contrat de travail à durée indéterminée, en télétravail et à un taux d’activité de 50%. Les projets étaient intéressants, et dans ce cadre également, mes jeunes collègues appréciaient de collaborer avec moi.
Lorsque l’âge terme AVS est devenu imminent, une collaboratrice des ressources humaines m’a chaleureusement félicité par courrier et expliqué la procédure de sortie. Un mot m’a frappé : retraite, Ruhestand. J’ai ressenti un grand vide, comme si le sol se dérobait sous mes pieds. En comparaison avec ma vie professionnelle d’avant, j’avais diminué l’intensité et le volume de mon activité. Mais là, je m’apprêtais à quitter le monde des projets, de l’innovation, de la quête de connaissances, et surtout les relations amicales que j’avais développées avec mes nouveaux collègues.
Une profonde tristesse m’a envahi. Et un sentiment poisseux d’échec sur toute la ligne. La perception d’avoir pris les mauvaises options toute ma vie, d’être passé à côté de l’essentiel. Bref, je me suis retrouvé dans une situation de dysharmonie existentielle majeure.
J’étais arrivé à la conclusion que je n’étais pas prêt à quitter le monde du travail avec son faisceau de défis, de satisfactions et aussi de contraintes. J’avais besoin de temps pour faire face à cette nouvelle perspective. J’ai donc…. poursuivi mon activité professionnelle. J’ai aussi cherché de l’aide auprès d’une art-thérapeute. Cette démarche, qui visait mon mieux-être émotionnel et existentiel a surpris mon entourage, plutôt habitué à ma rationalité. La thérapie est une démarche intime. Dans le cabinet de l’art-thérapeute, j’ai beaucoup pleuré. Et joué, vécu émotionnellement, au sens de la dramaturgie, des scènes de mon passé, des scènes qui auraient pu se produire, et des scènes qui auraient dû se passer. Ma thérapeute me donnait la réplique, et échangeait les rôles au besoin. Ensuite nous partagions nos ressentis, et elle ses intuitions et ses hypothèses.
Vivre dans le jeu des émotions, certaines contemporaines, d’autres enfouies depuis des décennies, a été libérateur. Cette démarche m’a aidé à retrouver du sens dans ce que je faisais. Je me suis senti vivre à nouveau. Je participe encore à des projets de recherche, en tant que retraité-consultant-indépendant. Mes enfants avancent dans la vie, et des petits-enfants sont nés. Leurs sourires, leurs regards curieux, leurs gazouillis m’inondent de gaîté.
Je suis toujours à la recherche d’un équilibre, de cet élusif portefeuille d’activités qui me donne de l’élan et mette de la joie dans ma vie. Ecrire ce blog en fait partie, et j’espère que ce partage d’expérience sera utile. Pour une partie d’entre nous la retraite, avec son cortège de bouleversements, est un fleuve turbulent.
