Jusqu’à mes quatorze ans, j’ai bien connu mon arrière-grand-mère née à la fin du 19ème siècle et de son surnom « mamie Zette ».
C’était une petit dame toujours élégante et vêtue de noir, portant canne et chapeau et marchant le dos droit et le pas décidé.
Elle avait son petit caractère et mon frère et moi n’avions même pas l’idée de la contredire. Nous passions chaque année un mois de l’été chez elle avec nos parents et la vie y était simple et sans surprise.
Elle aimait que nous l’amenions en voiture dans ses forêts de pins et son regard de connaisseuse en observait la croissance afin d’estimer la date de la prochaine coupe.
Il fallait ramassait tous les morceaux de bois et les pignes bien sèches qui seraient utiles pour allumer la cheminée quand le temps se rafraichirait.
Au retour de la balade nous les entassions au fond du hangar où s’amoncelaient les vestiges du temps passé. Des clapiers à lapins inoccupés, une charrette de bois à laquelle elle y avait attelé en son temps une petite ponette, un comptoir d’épicerie en bois tourné contenant de vrais petits trésors pour nous les enfants. D’anciennes pièces de monnaie au centre percé, de grand magazines de mode datant des années 20, des dentelles jaunies, mais ce qui me passionnait le plus c’était les cartes postales anciennes. Ici une pour la St Valentin avec des portraits d’amoureux aux regards tellement romantiques, là une carte d’anniversaire pour un enfant potelé et plein de fossettes et beaucoup de cartes à envoyer aux soldats sur le front portant des messages doux et un peu mièvres.
Le confort de sa maison était assez sommaire et la grande salle avec sa cheminée, ses immenses armoires et un évier en pierre constituait notre pièce de vie. Nous y jouions, nous y mangions et nous nous y lavions. Les toilettes étaient bien sûr au fond du jardin et la nuit, nous les enfants, avions droit à un seau en émail dans notre chambre que nous allions vider au petit matin.
Au centre de la cour se tenait un puits équipé d’une pompe. Les adultes nous racontaient toutes sortes d’histoires pour nous faire peur et nous en tenir éloigné.
Un palmier se dressait dans la cour, fait très étonnant mais très exotique dans cette région où les pins sont les arbres prédominants, ceci pour en exploiter la résine jusqu’en 1990.
Mamie Zette aimait beaucoup que nous la conduisions sur une grande plage touristique du Médoc et nous l’installions sur son pliant en bois et toile rayée avec chapeau et parasol . Je pense qu’elle prenait un réel plaisir à respirer l’air iodé et à se laisser bercer par le ressac de cet océan souvent violent.
Le soir il n’y avait pas la télé, juste un petit transistor. Alors quand ma grand-mère, sa fille, venait lui rendre visite elles se remémoraient l’histoire de la famille, avec ses bonheurs, ses naissances et même les décès qui avaient eu lieu dans cette maison. Sans oublier les deux chambres réquisitionnées par des officiers allemands pendant la seconde guerre mondiale. C’était intéressant mais aussi très impressionnant.
Nous avions parfois la visite d’une cousine de ma maman et elle demandait toujours à mon arrière-grand-mère de lui « tirer les cartes ». Celle-ci sortait son jeu de tarot et alignait les cartes sur la grande table de la salle, et au moment de les retourner et de les interpréter, tout le monde retenait son souffle…Amour, chance, homme de loi ou la mort ?
A la nuit tombée, des ombres inquiétantes s’agitaient derrières les carreaux des fenêtres et je vous promets que c’était beaucoup plus palpitant qu’un feuilleton policier à la télé !
Je pense souvent à Mamie Zette et me demande comment elle réagirait à la vision de notre monde actuel. Des hommes en costume-cravate qui déambulent sur une trottinette avec des haut-parleurs rivés sur leurs oreilles et qui donnent l’impression de parler tous seuls, bizarre, bizarre…
Je suis sûre que çà l’amuserait beaucoup !
Chantal
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