La Confédération cumule les systèmes de surveillance de conduite automobile: avertisseurs divers, caméra filmant le conducteur en permanence, boîte noire, etc. Pour notre bien, assure-t-elle. Pour l’instant, peut-être, mais demain?
Deux articles dans la dernière édition (février 2024) de Touring, le mensuel du TCS, fascinent et inquiètent en même temps. Le titre du premier – «Sous haute surveillance» (édition online, p 44) – est un résumé en soi: d’ici au prochain mois de juillet, toutes les automobiles neuves devront être équipées d’un système d’avertissement et, deux ans plus tard, d’une caméra intérieure qui filme en permanence le conducteur. Le second – «Tout est dans la boîte» (édition online, p 48) – ne rassure guère plus: toujours d’ici à juillet 2024, tous les véhicules neufs devront être équipés d’une sorte de boîte noire qui enregistre toutes les données de conduite. Mais ce n’est pas tout! En consultant le site de l’Office fédéral des routes (OFROU), on découvre d’autres futures innovations qui font, quoi qu’on en dise, un peu penser au Big Brother de George Orwell.
Alors certes, la «boîte noire» n’en est pas vraiment une, puisque, contrairement à celles qui équipent les avions, les informations qu’elle enregistre sont constamment écrasées, de sorte que seules les dernières secondes de conduite sont conservées (sans pouvoir être consultées à distance). Il n’empêche: toutes les informations intéressant tant la police que les assureurs sont disponibles: vitesse, angle de braquage, position des pédales d’accélérateur et de frein, régime du moteur, état de la ceinture de sécurité, etc. Avantage: ces données peuvent servir à disculper le conducteur non fautif en cas de litige. Inconvénient: l’inverse, ce qui reste, évidemment, parfaitement légal à défaut d’être toujours moral.
Plus anodin
Le système d’avertissement, qui existe déjà dans de nombreux véhicules, semble plus anodin, sauf qu’il nécessite, lui aussi, d’analyser une kyrielle d’informations pour agir: maintien de la trajectoire, action du clignotant, utilisation des pédales, position des mains sur le volant, etc. Le TCS nous apprend que le système de Bosch, par exemple, travaille avec pas moins de 70 signaux pour avertir le conducteur en cas de manquement. Là encore, pas de quoi s’affoler a priori, mais…
Le coup de la caméra intérieure – infrarouge pour pouvoir aussi fonctionner dans l’obscurité – est, lui, plus choquant. Elle va donc, dès 2026, filmer en permanence tous les conducteurs au volant de leur voiture, dans le but de déceler et prévenir d’éventuels signes de fatigue ou de baisse de concentration. On aimerait en savoir un peu plus sur le stockage des images, leur étendue (sera-t-il possible de voir les autres passagers?) et de ce que tant la justice que les assureurs pourront en faire.
Quelques doutes
Bien sûr, la Confédération (qui ne fait d’ailleurs que suivre l’Europe dans ce sens), tout comme le TCS, se veulent rassurants: les conducteurs attentifs qui respectent les règles de la circulation et qui conduisent un véhicule sûr n’auront rien à craindre. Qu’on me permette toutefois de jouer au fauteur de troubles: la Suisse reste certes, pour l’instant, préservée de cette dérive sociétale où s’étiolent les repères nécessaires à une juste et vraie démocratie, mais je ne peux m’empêcher d’imaginer l’impact d’une telle surveillance dans un régime qui deviendrait moins soucieux du droit des uns et des autres. Non, décidément, George Orwell n’est pas loin…
